J ’ai vingt ans. Je profite pleinement de mon hiver aux Menuires, station de ski savoyarde juchée à 1 850 m d’altitude dans la vallée de la Tarentaise en Savoie, région d’Auvergne-Rhône-Alpes, là où, grâce à mon beau-frère et un de ses contacts d’affaires, Leo Lacroix, je décroche un boulot pour la saison d’hiver. Et encore, si on peut appeler ça du travail que d’accueillir les visiteurs canadiens à l’hôtel et, bien souvent, les accompagner en ski à Courchevel et à Chamonix, ainsi que travailler quelques heures par semaine à la boutique de ski de la station.
C’est aux Menuires que j’ai fait la connaissance de Gabriel, le doux, originaire de Grenoble. Son père était le propriétaire des «oeufs» mécaniques qui transportaient les skieurs en montagne, également responsable, avec son équipe, de leur bon fonctionnement. Fin mars, mon mandat de travail terminé, Gabriel m’invite à lui rendre visite dans ssa famille. J’accepte son invitation.
Je donne à mon prince de Grenoble carte blanche quant au choix de notre premier repas ensemble dans un restaurant typique de la région. Déjà, à la venue des ravioles du Daphiné farcies au fromage de Saint-Marcellin, mes papilles s’affolent, car le parfum de ses fines pâtes persillées est sublime. Mais là où mon coeur a chaviré, c’est devant le plat principal : deux mystérieux massifs sphériques nappés d’une fine sauce aux morilles de la Haute-Savoie.
La vraie nature de mon extase en bouche ne fut révélée qu’une fois mon assiette langoureusement assainie de toute trace : je venais de manger mes premières testicules animales. Trop tard pour protester. C’était trop bon. Un bleu du Vercors-Sassenage servi avec du bon pain croûté et quelques noix, de Grenoble, bien sûr, et, en finale, un gâteau chiffon de la même noix aussi léger qu’un baiser sur la joue de bébé. Sublime. Toutes ces douceurs ont frayé leur chemin en nous sans réticence aucune, voire même avec une faim injustifiée, peut-être à l’image de mon affection grandissante pour l’homme qui, sans me quitter des yeux, a si bien veillé sur mon bien-être, ce soir-là.
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Amourettes ou animelles?
Amourettes et animelles sont synonymes. Ils désignent les testicules de l’animal dans la terminologie bouchère française et canadienne. Dans la terminologie tripière (d’abâts), elles désignent aussi la moelle épinière des animaux d’élevage, notamment le bœuf, le cochon et le mouton. De là, la confusion entre les deux termes.
C’est un plat divin digne de grandes occasions au goût sublime, tendre et si simple à exécuter.
Amourettes de veau
(pour deux personnes)
Beurre
Huile de noisettes
2 gousses d’ail émincées
1/4 c. à thé muscade
2 petits casseaux de morilles ou autres champignons sauvages
1/2 c. à thé fécule de mais
Sel de mer
Poivre
1/2 tasse crème 35%
1/2 tasse bouillon de poulet